Chronique
au sujet du livre noir de la psychanalyse
 


Dominique Dhombres
LE MONDE 30.09.05
 

Les oreilles de la vieille dame qu'est la psychanalyse ont dû lui tinter, tard dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 septembre. A moins qu'elle n'ait rêvé que des voyous tentaient de lui arracher son sac à la faveur de l'obscurité. Les deux principaux auteurs du Livre noir de la psychanalyse étaient les invités du magazine "Campus", sur France 2.

Ils disaient en s'esclaffant tout le mal qu'ils pensaient de la vieille dame. Et ils ne faisaient pas mystère de leur intention de lui voler ses économies, son fonds de commerce et jusqu'à ses chères photos de famille jaunies. Il y avait un maigre et un gros. Ils riaient en racontant le sort qu'ils avaient fait subir, dans leur livre, au père de la vieille dame, un honorable professeur, mondialement connu, né à Vienne et mort à Londres.

La vieille dame en était toute retournée. Elle se demandait ce que son vieux père aurait pensé de ce nouveau scandale. Lui, si soucieux des convenances, toujours à cheval sur les bonnes manières, en dépit ou plutôt en raison du caractère un peu particulier, pour ne pas dire scabreux, de ses travaux. Et puis, elle se souvenait. Cela avait été ainsi au début, jadis, à Vienne, il y a si longtemps. On avait traité son père de tous les noms. Quelle idée, aussi, de mettre du sexe partout. Il y avait eu d'énormes résistances, c'est le mot qu'il employait, à l'égard de ses découvertes. Pourtant, la petite entreprise familiale était devenue très prospère, aux Etats-Unis surtout, un pays sur lequel son père ne misait pas beaucoup.

C'était un homme du Vieux Continent, pétri de culture grecque et latine. Rien à voir avec ces Yankees désespérément optimistes, avec leur "happiness" et leur "success" à tous les rayons et à tous les étages.

Mais cela avait marché là-bas au-delà de toute espérance. Et puis – mais alors son père était mort depuis longtemps –, les Américains s'étaient lassés. Ils avaient brûlé, comme ils font toujours, ce qu'ils avaient adoré. La psychanalyse était devenue aussi invendable qu'un poste de TSF à galène.

Restait évidemment la France, devenue par la force des choses l'unique espoir de la famille. Et voilà qu'à son tour celle-ci semblait céder à cette horrible mode qui consiste à rire des géniales trouvailles de papa. Un cauchemar. L'auteur de ces lignes, qui a de la tendresse pour cette vieille dame agressée, essayait vainement de la rassurer en lui disant que demain il ferait jour.

Dominique Dhombres

Article paru dans l'édition du 01.10.05





Les oreilles de la vieille dame qu'est la psychanalyse ont dû lui tinter, tard dans la nuit du jeudi 29 au vendredi 30 septembre