Un point de vue dans Le Monde ; un échange de courrier… | Le débat au sujet du Livre noir de la psychanalyse | |
Des
questions |
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que les psychanalystes ne peuvent plus éluder par Philippe Pignarre |
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Point de vue LE MONDE du 15 septembre 2005 Suivi d'un échange de courrier entre Elisabeth Roudinesco et Philippe Pignarre |
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Si
l'on admet qu'une théorie se juge aux risques qu'elle est capable
de prendre, aux épreuves qu'elle peut franchir en renouvelant ses
questionnements, on comprendra alors notre perplexité face aux prétentions
de la psychanalyse. |
Comment discuter de la psychanalyse ? La
publication du Livre noir de la psychanalyse pourrait être l'occasion
de confrontations intéressantes. |
Les psychiatres
gays étaient, à l'époque, obligés de se
regrouper dans une association clandestine. Il leur était impossible
de se manifester publiquement face à des collègues psychanalystes
qui les considéraient comme des malades à soigner. Le
débat faisait rage pour savoir si on pouvait être homo
et psy. par Philippe Pignarre Philippe Pignarre est éditeur, contributeur
au Livre noir de la psychanalyse. |
courrier |
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Philippe Pignarre | à Elisabeth Roudinesco | |
Si les psychanalystes fonctionnaient autrement, peut-être que ces "pages sombres" de l'histoire récente de la psychanalyse n'auraient pas abouti à ce livre noir... | Lettre
de Philippe Pignarre à Elisabeth Roudinesco. 7 septembre 2005 Chère Elisabeth, J'ai lu tout ce que vous m'avez envoyé ainsi que le dossier de L'Express. Je trouve qu'il y a trois problèmes auxquels il faut répondre car ce sont trois épreuves auxquelles la psychanalyse contemporaine a a été soumise. 1 - la question de l'autisme Il faut avoir rencontré les associations de parents d'enfants autistes pour se rendre compte de la souffrance que leur a infligé le canon psychanalytique entre autres tel qu'il a été formulé par Bettelheim. L'idée de la responsabilité maternelle, des mères froides, a eu un effet dévastateur. En plus, de nombreux thérapeutes pensaient que ces enfants devaient être éloignés le plus possible de leurs parents. On ne peut certainement pas résoudre cette affaire en se contenant de dire qu'il faut "utiliser les deux méthodes" ou des choses de ce genre. La violence des parents ne peut pas être comprise en dehors de leur souffrance. Je trouve que les psychanalystes sont trop légers dans leur bilan de cette affaire. 2- la question de l'homosexualité Le DSM ne date pas de 1983. C'est bien avant que les psy américains ont créé un catalogue des troubles. Ce qui s'est passé en 1983, c'est que les psychanalystes ont perdu le contrôle de l'American psychiatric association (APA) au profit d'un courant dit "athéorique" qui voulait abandonner la distinction psychose/névrose. Or comment l'ont-ils perdu ? C'est cela qui me semble important ! Ils l'ont perdu sur la question de l'homosexualité. Les psychanalystes se sont battus comme des enragés pour que l'homosexualité continue à être considéré comme un trouble mental qu'ils prétendaient pouvoir guérir. Les modernistes ont alors fait alliance avec les courant homosexuels militants et ont défait les psychanalystes. Les plus enragés de ces derniers ont scissionné de l'APA avec Socarides. Il faut se rappeler que l'initiativisme de type Act-Up est né à ce moment là. Les congrès de l'APA ont été les premiers à être attaqués par les activistes gays. Les psychiatres gays ont à l'époque été obligés de créer une association secrète car il leur était impossible de se manifester publiuquement face à des collègues psychanalystes qui les considéraient comme des malades à soigner. Tout un débat avait lieu pour savoirt si on pouvait être homo et psy. Là encore les psychanalystes étaient contre ! Quel Bilan on fait de ça ? Surtout que le poison continue à opérer sur toutes les questions actuelles, comme le pacs ou le marriage.... |
3- la question des
toxico J'ai à l'époque participé avec Anne Coppel à la création de l'association "Limiter la casse" qui préconisait, comme Act Up, que l'on cesse de fairer la guerre aux toxicos et que l'on initie une politique de "réduction des risques" , que l'on arrête d'interdire la vente des seringues, de se fixer comme seul objectif l'abstinence et qu'au contraire, on mette à disposition des produits de substitution. A qui nous sommes nous opposés cruellement ? à l'association des thérapeutes spécialisés en toxicomanie qui était complètement sous le contrôle de psychanalystes. La bataille a été rude et même violente. Je me rappelle des invectives de Fredda ou d'Olivenstein. Les psy utilisaient toutes leurs entrées au ministère de la santé pour retarder la prise de mesure de sauvegarde alors que le sida faisait des ravages. Seul Melman nous a soutenu publiquement.... Aujourd'hui tout le monde accepte la potique de réduction des risques? Mais quel bilan a été tiré ? Pourquoi tout est venu encore une fois endehors de la psychanalyse et contre elle ? Quel a été le prix du retard pris ? Voici donc trois épreuves contemporaines auxquelles la psychanalyse a été confrontée. Dans les trois cas elle s'est plantée. Cela fait quand même beaucoup... D'autant plus que les bilans ne sont jamais tirés, que les luttes sur ces questions continuent en sous-main... Si les psychanalystes fonctionnaient autrement, peut-être que ces "pages sombres" de l'histoire récente de la psychanalyse n'auraient pas abouti à ce livre noir... On pourrait dire aussi qu'une théorie se juge aux risques qu'elle est capable de prendre, aux épreuves qu'elle est capable de franchir en renouvelant les questions. Je vous embrasse Philippe |
Philippe Pignarre | à Gilbert Charles | |
Il faut bien reconnaître, malheureusement, que nos adversaires les plus acharnés ont été les psychanalystes | Lettre
de Philippe Pignarre à Gilbert Charles 13 septembre 2005 Cher Gilbert Charles, J'ai apprécié votre article sur Le Livre noir auquel j'ai contribué avec plaisir sans pourtant être un ami des thérapies comportementales ou médicamenteuses. J'ai plutot appris ce que je sais avec le psychanalyste pratiquant l'hypnose, Léon Chertok, et avec le fondateur de l'ethnopsychiatrie, Tobie Nathan. Quelques remarques : c'est nouveau que l'on emploie le mot de thérapie "humaniste" pour parler de la psychanalyse. Cela aurait fait rire aux éclats Lacan et les structuralistes (rappelons nous la haine des structuralistes pour l'humanisme ) ! J'ignore qui veut lancer cette "mode". Autrefois on parlait de thérapie "scientifique" pour parler de la psychanalyse. Il me semble que le niveau de prétentions a donc baissé... Sur le DSM : l'idée d'un classement des troubles mentaux sous forme d'un annuaire n'est pas du aux modernistes mais a été initié par les psychanalystes américains eux-mêmes quand ils dirigeaient la psychiatrie. C'est seulement avec la troisième édition du DSM que l'influence psychanalytique entre en déclin. Mais ce qui est intéressant ce sont les raisons lesquelles les psychanalystes sont dsevenus minoritaires au sein de l'American Psychiatric Association ce qui a été le prélude à l'édition du DSM III en 1983. Justement c'est sur la question de l'homosexualité : les psychanalystes ont refusé jusqu'au bout que l'homosexualité soit retirée de la liste des troubles mentaux que eux prétendaient pouvoir soigner. Certains ont même scissionné de l'APA sur cette question. |
A l'époque,
les psychiatres gays étaient obligés de créer une
association "secrète" ! Par peur de leurs collègues
psychanalystes qui les considéraoent comme des malades !! L'idée
d'humanisme peut évidemment être interrogée à
la lumière de l'autisme. Vous ne rendez pas assez compte de ce
qu'a été la souffrance des parents et surtout des mères
accusées d'être responsables de la maladie de leur enfant.
Il y a eu une véritable révolte des associations de parents.
Les "mères froides responsables" sont à juste
titre parties en guerre contre ceux qu'elles ne pouvaient considérer
que comme des persécuteurs. De ce point de vue certains écrits
de Bettelheim sont terrifiants : "un personnage parental désire
que son enfant meure, mais a trop peur de le tuer et préfère
l'abandonner à un sort tout aussi funeste". Il revient en
permanence sur "les intentions destructrices du personnage maternel"....
Mais vous devez connaitre cela. Aussi l'idée de la combinaison
de traitements est-elle très abstraite ! J'ai fréquenté
les associations de patients et j'y ai rencontré une souffrance
induite par le discours des psychanalystes que je ne pouvais pas imaginer.
Sur les toxicomanes, j'ai personnellement participé à la
création de l'association "Limiter la casse" qui préconisait
une politique de réduction des risques en mettant à disposition
des seringues et des produits de substitution. Il faut bien reconnaître,
malheureusement, que nos adversaires les plus acharnés ont été
les psychanalystes, en particulier ceux regroupés derrière
le Pr Olivenstein. La bataille a été rude, mais nous l'avons
gagné. Ce qui ne veut pas dire que tout est réglé
aujourd'hui. Mais le nombre de morts par overdose a quasiment été
réduit à rien. Amitiés Philippe Pignarre editeur des Empêcheurs de penser en rond |
Réponse d'Elisabeth Roudinesco | à Philippe
Pignarre |
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Cette discussion a également été mise en ligne sur www.oedipe.org | ||
"Dira-t-on que la biologie en tant que telle est responsable du génocide des Juifs commis par les nazis au nom de la Science?" | Paris le 13 septembre 2005 À Philippe Pignarre Cher Philippe, Je réponds à la fois à vos deux
lettres ( celle que vous m’avez adressé et celle à
G. Charles) Vous dites
que les psychanalystes ont été incapables de prendre en
compte les transformations de la société et que s’agisant
des homosexuels ils ont adopté des positions ridicules. Dont acte.
À ceci près, comme je l’ai dit moi-même, que
si la majorité des psychanalystes français ont été
hostiles au mariage des homosexuels, bon nombre d’entre eux sont
montés au créneau pour contester cette position. |
Quant
à l’histoire de l’humanisme, permettez-moi de rigoler.
Où avez-vous vu que le concept d’anti-humanisme théorique
de mon bon maître Louis Althusser puisse signifier que nous ne sommes
pas des humanistes? Où avez-vous vu que la critique de l’humanisme
faite par Foucault ou Lévi-Strauss ait fait d’eux des «
antihumanistes »? Je ne vais pas vous apprendre les rudiments d’une
question philosophique qui a été présente dans toute
notre histoire depuis 1945. Je sors un livre sur cela dans quelques semaines.
Sur la question de l’autisme, vous nous ressortez le vieux procès fait à Bettelheim. Vous savez mieux que moi que tout cela est connu et archi connu et que les témoignages des malheureuses victimes publiées dans Le livre noir sont utilsés exclusivement pour désigner Freud et l’ensemble du mouvement psychanalytique mondial comme responsables d’un crime de masse. Dois-je vous rappeler que je suis la fille de Jenny Aubry - dont le nom ne figure pas dans Le livre noir - qui était psychanalyste, médecin des hôpitaux et qui s’est occupée toute sa vie des enfants autistes sans jamais émettre la moindre sottise sur l’origine de cette maladie. J’ai publié récemment des textes qui le prouvent Psychanalyse des enfants séparés, Denoêl, 2003. De nombreux psychanalystes se sont occupé d’enfants autistes sans être ni débiles ni meurtriers. J’attends maintenant que les auteurs du Livre noir osent affirmer que ma mère, que Maud Mannoni, que Winnicott et bien d’autres encore sont responsables d’une crime contre l’humanité. Irez-vous jusque là, vous et vos amis? Allons donc, je vois bien que vous êtes le premier ennuyé de voir votre nom figurer dans ce livre que d’ailleurs vous n’aviez pas lu fin août comme vous me l’avez dit. Vous avez à votre catalogue d’excellents ouvrages d’historiens sérieux et je suis heureuse d’avoir rédigé pour vous quelques belles préfaces. Continuez à faire votre travail et à publier vos propres livres sur les médicaments qui sont excellents. Mais de grâce, ne vous mêlez pas de cette entreprise de délation qui a déjà fait long feu. Je vous embrasse |
Réponse de Philippe Pignarre | à Elisabeth Roudinesco | |
"Cela permet de faire une distinction entre des sujets sur lesquels on comprend facilement que les psychanalystes soient divisés et d'autres sujets pour lesquels ces divisions ne doivent pas seulement être mises en avant mais expliquées" | Paris le 15 septembre
2005 À Elisabeth Roudinesco Chère Elisabeth, Je prend évidemment au sérieux votre réponse et je voudrais discuter de ce qui me semble le point fort de votre argumentation : sur tous les sujets soulevés, vous me dites que les psychanalystes n'ont pas été unanimes et que l'on ne peut donc pas rendre responsable une "discipline" des positions prises par certains, même si ces positions étaient éventuellement majoritaires (ce qui est invérifiable, je vous l'accorde). Cet argument me trouble et, en même temps, je ne peux pas être d'accord. Pour une première raison : c'est un argument trop général. Du coup, on risque de ne plus pouvoir discuter de rien, puisqu'il y aura toujours des désaccords dans ce que vous continuez pourtant à appeler une "discipline" (mot qui me semble finalement assez peu approprié de votre propre point de vue !). Ce qu'il faut discuter, c'est de savoir si les trois sujets que j'ai choisis (homosexualité, autisme, usages de drogues) sont ou ne sont pas de bonnes épreuves pour la psychanalyse, en fonction des prétentions qui sont les siennes et seulement en fonction de cela. Cela permet de faire une distinction entre des sujets sur lesquels on comprend facilement que les psychanalystes soient divisés et d'autres sujets pour lesquels ces divisions ne doivent pas seulement être mises en avant mais expliquées : pourquoi tant de psychanalystes sont-ils apparus comme des ennemis des homosexuels ? Cela n'a-t-il rien à voir avec le corpus théorique ? idem pour les deux autres sujets... Je crois au contraire que ces questions font partie de ce que j'appellerai "l'âme" de la psychanalyse, au sens où l'âme c'est ce que l'on ne peut pas perdre sans mourir. Je pourrai dire les choses autrement : vous avez, vous Elisabeth, combattu certaines positions prises par vos collègues sur ces sujets. En quoi la psychanalyse telle que vous la concevez vous a-t-elle aidé à le faire ? |
Evidemment
on ne peut rendre responsable la médecine de l'affaire du sang
contaminé et la biologie allemande du nazisme. Mais peut-on se
contenter de dire cela ? Ne doit pas immédiatement ajouter : pourquoi
la médecine (son organisation, la formation de ses membres, etc...
tout ce qui définit la compétence médicale) a-t-elle
rendue possible, permis, une telle catastrophe ? et comment cela nous
permet-elle de la faire avancer ? Si on se contente de l'excuser, cela
n'a servi à rien. Pareil pour la biologie et le nazisme : qu'est-ce
qui dans la biologie, dans la pratique des biologistes, dans leur manière
de comprendre les théories de l'hérédité,
etc, a permis ces horreurs ? Ce débat est finalement ce qui est
le plus important. Vous voyez donc que l'on ne peut pas, à mon avis, utiliser l'argument "il y avait des désaccords, donc vous n'avez pas le droit de nous interroger, on n'est pas responsable". Ce serait là une manière de protéger une discipline qui la rendrait tellement autonome par rapport à la démocratie, qui lui donnerait un tel statut, que plus aucune discussion ne serait possible. Je ne veux évidemment pas aller plus loin et ne pas reprendre les arguments massues sur les psychanalystes comme nouveaux prêtres ou la question de la dette infinie que Deleuze et Guattari ont mis en avant mais qu'il faut évidemment manipuler avec précaution... C'est bien parce que je ne me résouds pas au devenir actuel de la psychanalyse que je veux pouvoir discuter de toutes ces questions... Je ne crois pas que mon travail sur les médicaments aurait été possible sans ce mode de pensée "conséquentialiste" hérité de Deleuze et qui m'amène à interroger aussi les psychanalystes. Il s'agit de ramener dans les disciplines , les conséquences de leurs propositions. Vous retrouverez là une démarche deleuzienne que vous connaissez bien. Je vous embrasse et vous remercie vivement de votre réponse. Philippe |
Le journal du livre noir de la psychanalyse… et un débat épistolaire entre Sauvagnat, Crews, Borch-Jacobsen et Cottraux… une mise au point de Jacques Van Rillaer qui répond à Elisabeth Roudinesco un débat à propos d'une tribune libre de Roland Gori dans l'Huma… Jacques Alain Miller répond aux anti-Freud et une anti-freud lui répond… Chronique de Dominique Dhombres dans Le Monde … Droit de réponse d'E. Roudinesco au Nouvel Observateur… La souffrance sans voix par Annie Gruyer | à suivre… |
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