Un point
de vue dans Le Monde ; un échange de courrier… |
Le débat au
sujet du Livre noir de la psychanalyse |
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Des
questions |
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que les psychanalystes ne peuvent plus éluder
par Philippe Pignarre
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Point
de vue
LE MONDE du 15 septembre 2005
Suivi d'un échange de courrier entre Elisabeth
Roudinesco et Philippe Pignarre |
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Si
l'on admet qu'une théorie se juge aux risques qu'elle est capable
de prendre, aux épreuves qu'elle peut franchir en renouvelant ses
questionnements, on comprendra alors notre perplexité face aux prétentions
de la psychanalyse. |
Comment discuter de la psychanalyse ? La
publication du Livre noir de la psychanalyse pourrait être l'occasion
de confrontations intéressantes.
C'est le souhait de la plupart de ceux qui
y ont participé ; lesquels, par ailleurs, ne sont pas tous des
partisans frénétiques des thérapies comportementales.
Il y a urgence à sortir des débats
très abstraits quant à savoir si la psychanalyse est ou
non une science ; ou des autres débats, faussement concrets, qui
croient résoudre le problème en préconisant des "essais
cliniques contre placebo", dont on sait pourtant qu'il est très
difficile de généraliser leur méthodologie en dehors
de l'étude des médicaments classiques.
Peut-être, peut-on procéder
d'une autre façon, et s'intéresser à la manière
dont la psychanalyse réagit face à des épreuves contemporaines
qui appartiennent à son champ de compétence.
Prenons la question de l'autisme. Il faut
avoir rencontré les associations de parents d'enfants autistes
pour se rendre compte de la souffrance que leur a infligée le canon
psychanalytique, tel qu'il a été formulé en premier
lieu par Bruno Bettelheim. L'idée de la responsabilité maternelle,
des "mères froides", a eu un effet dévastateur.
Pire, de nombreux psychanalystes pensaient
que ces enfants devaient être éloignés le plus possible
de leurs parents, ajoutant de la souffrance à la souffrance.
On ne peut certainement pas se tirer de cette affaire en se contentant
de dire qu'il faut "utiliser les deux méthodes" ou des
choses de ce genre. Les psychanalystes ne sont-ils pas un peu légers
dans leur bilan ?
Prenons l'homosexualité. Le Manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux (DSM), mis au point, par consensus, par les psychiatres
américains, ne date pas de 1980. En 1952, une première édition
en a été réalisée, sous influence psychanalytique.
Mais, en 1980, les psychanalystes ont perdu
le contrôle de l'American Psychiatric Association (APA) au profit
d'un courant dit "athéorique" qui voulait abandonner
la distinction psychoses/névroses.
Pourquoi ont-ils perdu cette bataille ?
A cause de leur position, alors majoritaire, sur la question de l'homosexualité.
Les psychanalystes de l'APA se sont battus comme des enragés pour
que l'homosexualité continue d'être considérée
comme un trouble mental qu'ils prétendaient, de surcroît,
pouvoir guérir.
Les modernistes ont alors fait alliance avec les courants homosexuels
militants et ont défait les psychanalystes. Certains d'entre eux
ont d'ailleurs fait scission avec l'APA sur cette question. Rappelons
que les congrès de l'APA ont été les premiers à
être attaqués par les activistes gays.
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Les psychiatres
gays étaient, à l'époque, obligés de se
regrouper dans une association clandestine. Il leur était impossible
de se manifester publiquement face à des collègues psychanalystes
qui les considéraient comme des malades à soigner. Le
débat faisait rage pour savoir si on pouvait être homo
et psy.
Là encore les psychanalystes de l'APA, dans leur grande majorité,
étaient contre ! Quel bilan tire-t-on de cela ? Le poison ne
continue-t-il pas à opérer sur des questions plus actuelles,
comme le pacs ou le mariage gay ?
La toxicomanie
a été une troisième épreuve. J'ai, au moment
où le sida commençait ses ravages, participé à
la création d'associations d'usagers de drogues non repentis,
comme Limiter la casse. Nous préconisions, comme Act Up, de cesser
de faire la guerre aux toxicos (sous prétexte de guerre aux drogues)
et d'initier une politique de"réduction des risques"
; d'arrêter d'interdire la vente des seringues et de se fixer
comme seul objectif l'abstinence ; enfin, de mettre des produits de
substitution à la disposition des usagers.
A qui nous sommes-nous opposés cruellement ? Aux associations
de thérapeutes spécialisés en toxicomanie, qui
étaient sous le contrôle de psychanalystes. La bataille
a été rude, violente même.
Certains utilisaient leurs entrées au ministère de la
santé pour retarder la prise de mesures de sauvegarde, alors
que le sida faisait des ravages. Des psychanalystes comme Charles Melman,
qui nous a soutenus publiquement, ont été des exceptions.
Aujourd'hui, tout le monde accepte la politique de réduction
des risques. Mais quelle expérience en a-t-il été
retiré ?
Pourquoi,
chaque fois, l'affrontement avec la réalité des problèmes
est-il venu du dehors de la psychanalyse et même contre elle ?
Quel a été le coût du retard ?
Nous sommes aujourd'hui nombreux à penser qu'il s'agit là
de "pages sombres" de l'histoire récente de la psychanalyse.
Si l'on
admet qu'une théorie se juge aux risques qu'elle est capable
de prendre, aux épreuves qu'elle peut franchir en renouvelant
ses questionnements, on comprendra alors notre perplexité face
aux prétentions de la psychanalyse.
par Philippe Pignarre
Philippe Pignarre est éditeur, contributeur
au Livre noir de la psychanalyse.
Article paru dans l'édition du
16.09.05
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courrier |
Philippe Pignarre |
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à Elisabeth Roudinesco |
Si les psychanalystes fonctionnaient
autrement, peut-être que ces "pages sombres" de l'histoire
récente de la psychanalyse n'auraient pas abouti à ce livre
noir... |
Lettre
de Philippe Pignarre à Elisabeth Roudinesco.
7 septembre 2005
Chère Elisabeth,
J'ai lu tout ce que vous m'avez envoyé ainsi que le dossier de
L'Express. Je trouve qu'il y a trois problèmes auxquels il faut
répondre car ce sont trois épreuves auxquelles la psychanalyse
contemporaine a a été soumise.
1 - la question de l'autisme
Il faut avoir rencontré les associations de parents d'enfants autistes
pour se rendre compte de la souffrance que leur a infligé le canon
psychanalytique entre autres tel qu'il a été formulé
par Bettelheim. L'idée de la responsabilité maternelle,
des mères froides, a eu un effet dévastateur. En plus, de
nombreux thérapeutes pensaient que ces enfants devaient être
éloignés le plus possible de leurs parents. On ne peut certainement
pas résoudre cette affaire en se contenant de dire qu'il faut "utiliser
les deux méthodes" ou des choses de ce genre. La violence
des parents ne peut pas être comprise en dehors de leur souffrance.
Je trouve que les psychanalystes sont trop légers dans leur bilan
de cette affaire.
2- la question de l'homosexualité
Le DSM ne date pas de 1983. C'est bien avant que les psy américains
ont créé un catalogue des troubles. Ce qui s'est passé
en 1983, c'est que les psychanalystes ont perdu le contrôle de l'American
psychiatric association (APA) au profit d'un courant dit "athéorique"
qui voulait abandonner la distinction psychose/névrose. Or comment
l'ont-ils perdu ? C'est cela qui me semble important ! Ils l'ont perdu
sur la question de l'homosexualité. Les psychanalystes se sont
battus comme des enragés pour que l'homosexualité continue
à être considéré comme un trouble mental qu'ils
prétendaient pouvoir guérir. Les modernistes ont alors fait
alliance avec les courant homosexuels militants et ont défait les
psychanalystes. Les plus enragés de ces derniers ont scissionné
de l'APA avec Socarides. Il faut se rappeler que l'initiativisme de type
Act-Up est né à ce moment là. Les congrès
de l'APA ont été les premiers à être attaqués
par les activistes gays. Les psychiatres gays ont à l'époque
été obligés de créer une association secrète
car il leur était impossible de se manifester publiuquement face
à des collègues psychanalystes qui les considéraient
comme des malades à soigner. Tout un débat avait lieu pour
savoirt si on pouvait être homo et psy. Là encore les psychanalystes
étaient contre ! Quel Bilan on fait de ça ? Surtout que
le poison continue à opérer sur toutes les questions actuelles,
comme le pacs ou le marriage....
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3- la question des
toxico
J'ai à l'époque participé avec Anne Coppel à
la création de l'association "Limiter la casse" qui préconisait,
comme Act Up, que l'on cesse de fairer la guerre aux toxicos et que l'on
initie une politique de "réduction des risques" , que
l'on arrête d'interdire la vente des seringues, de se fixer comme
seul objectif l'abstinence et qu'au contraire, on mette à disposition
des produits de substitution. A qui nous sommes nous opposés cruellement
? à l'association des thérapeutes spécialisés
en toxicomanie qui était complètement sous le contrôle
de psychanalystes. La bataille a été rude et même
violente. Je me rappelle des invectives de Fredda ou d'Olivenstein. Les
psy utilisaient toutes leurs entrées au ministère de la
santé pour retarder la prise de mesure de sauvegarde alors que
le sida faisait des ravages. Seul Melman nous a soutenu publiquement....
Aujourd'hui tout le monde accepte la potique de réduction des risques?
Mais quel bilan a été tiré ? Pourquoi tout est venu
encore une fois endehors de la psychanalyse et contre elle ? Quel a été
le prix du retard pris ? Voici donc trois épreuves contemporaines
auxquelles la psychanalyse a été confrontée. Dans
les trois cas elle s'est plantée. Cela fait quand même beaucoup...
D'autant plus que les bilans ne sont jamais tirés, que les luttes
sur ces questions continuent en sous-main... Si les psychanalystes fonctionnaient
autrement, peut-être que ces "pages sombres" de l'histoire
récente de la psychanalyse n'auraient pas abouti à ce livre
noir... On pourrait dire aussi qu'une théorie se juge aux risques
qu'elle est capable de prendre, aux épreuves qu'elle est capable
de franchir en renouvelant les questions.
Je vous embrasse
Philippe |
Philippe Pignarre |
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à Gilbert Charles |
Il faut bien reconnaître, malheureusement, que
nos adversaires les plus acharnés ont été les psychanalystes |
Lettre
de Philippe Pignarre à Gilbert Charles
13 septembre 2005
Cher Gilbert Charles,
J'ai apprécié votre article sur Le Livre noir auquel j'ai
contribué avec plaisir sans pourtant être un ami des thérapies
comportementales ou médicamenteuses. J'ai plutot appris ce que
je sais avec le psychanalyste pratiquant l'hypnose, Léon Chertok,
et avec le fondateur de l'ethnopsychiatrie, Tobie Nathan. Quelques remarques
: c'est nouveau que l'on emploie le mot de thérapie "humaniste"
pour parler de la psychanalyse. Cela aurait fait rire aux éclats
Lacan et les structuralistes (rappelons nous la haine des structuralistes
pour l'humanisme ) ! J'ignore qui veut lancer cette "mode".
Autrefois on parlait de thérapie "scientifique" pour
parler de la psychanalyse. Il me semble que le niveau de prétentions
a donc baissé...
Sur le DSM : l'idée d'un classement des troubles mentaux sous forme
d'un annuaire n'est pas du aux modernistes mais a été initié
par les psychanalystes américains eux-mêmes quand ils dirigeaient
la psychiatrie. C'est seulement avec la troisième édition
du DSM que l'influence psychanalytique entre en déclin. Mais ce
qui est intéressant ce sont les raisons lesquelles les psychanalystes
sont dsevenus minoritaires au sein de l'American Psychiatric Association
ce qui a été le prélude à l'édition
du DSM III en 1983. Justement c'est sur la question de l'homosexualité
: les psychanalystes ont refusé jusqu'au bout que l'homosexualité
soit retirée de la liste des troubles mentaux que eux prétendaient
pouvoir soigner. Certains ont même scissionné de l'APA sur
cette question. |
A l'époque,
les psychiatres gays étaient obligés de créer une
association "secrète" ! Par peur de leurs collègues
psychanalystes qui les considéraoent comme des malades !! L'idée
d'humanisme peut évidemment être interrogée à
la lumière de l'autisme. Vous ne rendez pas assez compte de ce
qu'a été la souffrance des parents et surtout des mères
accusées d'être responsables de la maladie de leur enfant.
Il y a eu une véritable révolte des associations de parents.
Les "mères froides responsables" sont à juste
titre parties en guerre contre ceux qu'elles ne pouvaient considérer
que comme des persécuteurs. De ce point de vue certains écrits
de Bettelheim sont terrifiants : "un personnage parental désire
que son enfant meure, mais a trop peur de le tuer et préfère
l'abandonner à un sort tout aussi funeste". Il revient en
permanence sur "les intentions destructrices du personnage maternel"....
Mais vous devez connaitre cela. Aussi l'idée de la combinaison
de traitements est-elle très abstraite ! J'ai fréquenté
les associations de patients et j'y ai rencontré une souffrance
induite par le discours des psychanalystes que je ne pouvais pas imaginer.
Sur les toxicomanes, j'ai personnellement participé à la
création de l'association "Limiter la casse" qui préconisait
une politique de réduction des risques en mettant à disposition
des seringues et des produits de substitution. Il faut bien reconnaître,
malheureusement, que nos adversaires les plus acharnés ont été
les psychanalystes, en particulier ceux regroupés derrière
le Pr Olivenstein. La bataille a été rude, mais nous l'avons
gagné. Ce qui ne veut pas dire que tout est réglé
aujourd'hui. Mais le nombre de morts par overdose a quasiment été
réduit à rien.
Amitiés
Philippe Pignarre
editeur des Empêcheurs de penser en rond |
Réponse d'Elisabeth Roudinesco |
|
à Philippe
Pignarre |
Cette discussion a également été
mise en ligne sur www.oedipe.org |
"Dira-t-on que la biologie en tant que telle est
responsable du génocide des Juifs commis par les nazis au nom de
la Science?" |
Paris le 13 septembre
2005
À Philippe Pignarre
Cher Philippe,
Je réponds à la fois à vos deux
lettres ( celle que vous m’avez adressé et celle à
G. Charles)
Vous dites
que les psychanalystes ont été incapables de prendre en
compte les transformations de la société et que s’agisant
des homosexuels ils ont adopté des positions ridicules. Dont acte.
À ceci près, comme je l’ai dit moi-même, que
si la majorité des psychanalystes français ont été
hostiles au mariage des homosexuels, bon nombre d’entre eux sont
montés au créneau pour contester cette position.
Dois-je vous rappeler ce
que nous disons Michel Plon et moi dans le Dictionnaire de la psychanalyse?
Dois-je vous rappeler que dés 1997 j’ai donné un entretien
au journal Têtu à ce sujet et que mes positions dans toute
la presse et dans tous mes livres sont très claires et parfaitement
connues. D’autres que moi ont été favorables aux homosexuels,
notamment l’Association Espace analytique qui, à mon initaitive,
a organisé un débat avec Didier Eribon lors de la sortie
de son magnifique livre Réflexions sur la quetion gay. La revue
Cliniques méditerranéennes a consacré un numéro
entier à cette question et son rédacteur en chef Roland
Gori a pris une position absolument hostile à toute forme de discrimination.
Mon entretien très critique à l’encontre des psychanalystes
homophobes a été diffusé partouit et traduit en cinq
langues.
Autrement dit, sur cette
question comme sur d’autres, les psychanalystes ont été
divisés et se sont livrés des luttes féroces, j’en
sais quelque chose. Mais en quoi une discipline entière et son
fondateur sont-ils responsables, rétrospectivement, des prises
de positions homophobes de nombreux psychanalystes d’aujourd’hui?
Dira-t-on que la médecine en tant que discipline est responsable
de l’affaire du sang contaminé?
Vous accusez Olivenstein
et ses partisans de s’être opposé à la délivrance
de seringues. Soit. Mais en quoi Freud et la psychanalyse sont-ils responsables
de cette erreur? Je vous ferai remarquer que dans le Livre noir il n’est
pas question de ce débat français. L’article concernant
la toxicomanie est rédigé par un Jean-Jacques Déglon
qui ne dit pas un mot de cette affaire mais accuse une communauté
tout entière d’être responsable d’un rejet des
traitements de substitution. L’ennui c’est qu’une fois
de plus il nomme une discipline et se sreprésentants et non pas
des personnes particulières. Les accusés ne sont pas désignés
et l’on passe sous silence la position parfaitement connue de tous
ceux qui sont favorables en France et ailleurs aux traitements de substitution.
|
 Quant
à l’histoire de l’humanisme, permettez-moi de rigoler.
Où avez-vous vu que le concept d’anti-humanisme théorique
de mon bon maître Louis Althusser puisse signifier que nous ne sommes
pas des humanistes? Où avez-vous vu que la critique de l’humanisme
faite par Foucault ou Lévi-Strauss ait fait d’eux des «
antihumanistes »? Je ne vais pas vous apprendre les rudiments d’une
question philosophique qui a été présente dans toute
notre histoire depuis 1945. Je sors un livre sur cela dans quelques semaines.
 Sur la question de l’autisme,
vous nous ressortez le vieux procès fait à Bettelheim. Vous
savez mieux que moi que tout cela est connu et archi connu et que les
témoignages des malheureuses victimes publiées dans Le livre
noir sont utilsés exclusivement pour désigner Freud et l’ensemble
du mouvement psychanalytique mondial comme responsables d’un crime
de masse. Dois-je vous rappeler que je suis la fille de Jenny Aubry -
dont le nom ne figure pas dans Le livre noir - qui était psychanalyste,
médecin des hôpitaux et qui s’est occupée toute
sa vie des enfants autistes sans jamais émettre la moindre sottise
sur l’origine de cette maladie. J’ai publié récemment
des textes qui le prouvent Psychanalyse des enfants séparés,
Denoêl, 2003. De nombreux psychanalystes se sont occupé d’enfants
autistes sans être ni débiles ni meurtriers. J’attends
maintenant que les auteurs du Livre noir osent affirmer que ma mère,
que Maud Mannoni, que Winnicott et bien d’autres encore sont responsables
d’une crime contre l’humanité. Irez-vous jusque là,
vous et vos amis? Allons donc, je vois bien que vous êtes le premier
ennuyé de voir votre nom figurer dans ce livre que d’ailleurs
vous n’aviez pas lu fin août comme vous me l’avez dit.
 Vous avez à votre
catalogue d’excellents ouvrages d’historiens sérieux
et je suis heureuse d’avoir rédigé pour vous quelques
belles préfaces. Continuez à faire votre travail et à
publier vos propres livres sur les médicaments qui sont excellents.
Mais de grâce, ne vous mêlez pas de cette entreprise de délation
qui a déjà fait long feu.
Je vous embrasse |
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Réponse de Philippe Pignarre |
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à Elisabeth Roudinesco |
"Cela permet de faire une distinction entre des
sujets sur lesquels on comprend facilement que les psychanalystes soient
divisés et d'autres sujets pour lesquels ces divisions ne doivent
pas seulement être mises en avant mais expliquées" |
Paris le 15 septembre
2005
À Elisabeth Roudinesco
Chère Elisabeth,
 Je prend évidemment
au sérieux votre réponse et je voudrais discuter de ce qui
me semble le point fort de votre argumentation : sur tous les sujets soulevés,
vous me dites que les psychanalystes n'ont pas été unanimes
et que l'on ne peut donc pas rendre responsable une "discipline"
des positions prises par certains, même si ces positions étaient
éventuellement majoritaires (ce qui est invérifiable, je
vous l'accorde).
 Cet argument me trouble et,
en même temps, je ne peux pas être d'accord. Pour une première
raison : c'est un argument trop général. Du coup, on risque
de ne plus pouvoir discuter de rien, puisqu'il y aura toujours des désaccords
dans ce que vous continuez pourtant à appeler une "discipline"
(mot qui me semble finalement assez peu approprié de votre propre
point de vue !).
 Ce qu'il faut discuter, c'est
de savoir si les trois sujets que j'ai choisis (homosexualité,
autisme, usages de drogues) sont ou ne sont pas de bonnes épreuves
pour la psychanalyse, en fonction des prétentions qui sont les
siennes et seulement en fonction de cela. Cela permet de faire une distinction
entre des sujets sur lesquels on comprend facilement que les psychanalystes
soient divisés et d'autres sujets pour lesquels ces divisions ne
doivent pas seulement être mises en avant mais expliquées
: pourquoi tant de psychanalystes sont-ils apparus comme des ennemis des
homosexuels ? Cela n'a-t-il rien à voir avec le corpus théorique
? idem pour les deux autres sujets...
 Je crois au contraire que
ces questions font partie de ce que j'appellerai "l'âme"
de la psychanalyse, au sens où l'âme c'est ce que l'on ne
peut pas perdre sans mourir.
 Je pourrai dire les choses
autrement : vous avez, vous Elisabeth, combattu certaines positions prises
par vos collègues sur ces sujets. En quoi la psychanalyse telle
que vous la concevez vous a-t-elle aidé à le faire ?
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 Evidemment
on ne peut rendre responsable la médecine de l'affaire du sang
contaminé et la biologie allemande du nazisme. Mais peut-on se
contenter de dire cela ? Ne doit pas immédiatement ajouter : pourquoi
la médecine (son organisation, la formation de ses membres, etc...
tout ce qui définit la compétence médicale) a-t-elle
rendue possible, permis, une telle catastrophe ? et comment cela nous
permet-elle de la faire avancer ? Si on se contente de l'excuser, cela
n'a servi à rien. Pareil pour la biologie et le nazisme : qu'est-ce
qui dans la biologie, dans la pratique des biologistes, dans leur manière
de comprendre les théories de l'hérédité,
etc, a permis ces horreurs ? Ce débat est finalement ce qui est
le plus important.
 Vous voyez donc que l'on
ne peut pas, à mon avis, utiliser l'argument "il y avait des
désaccords, donc vous n'avez pas le droit de nous interroger, on
n'est pas responsable". Ce serait là une manière de
protéger une discipline qui la rendrait tellement autonome par
rapport à la démocratie, qui lui donnerait un tel statut,
que plus aucune discussion ne serait possible. Je ne veux évidemment
pas aller plus loin et ne pas reprendre les arguments massues sur les
psychanalystes comme nouveaux prêtres ou la question de la dette
infinie que Deleuze et Guattari ont mis en avant mais qu'il faut évidemment
manipuler avec précaution...
C'est bien parce que je ne me résouds pas au devenir actuel de
la psychanalyse que je veux pouvoir discuter de toutes ces questions...
Je ne crois pas que mon travail sur les médicaments aurait été
possible sans ce mode de pensée "conséquentialiste"
hérité de Deleuze et qui m'amène à interroger
aussi les psychanalystes.
 Il s'agit de ramener dans
les disciplines , les conséquences de leurs propositions. Vous
retrouverez là une démarche deleuzienne que vous connaissez
bien.
 Je vous embrasse et vous
remercie vivement de votre réponse.
Philippe |
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Le
journal du livre noir de la psychanalyse… et un débat
épistolaire entre Sauvagnat, Crews, Borch-Jacobsen et Cottraux…
une
mise au point de Jacques Van Rillaer qui répond à Elisabeth
Roudinesco un débat
à propos d'une tribune libre
de Roland Gori dans l'Huma… Jacques
Alain Miller répond aux anti-Freud et une anti-freud lui répond…
Chronique
de Dominique Dhombres dans Le Monde …
Droit de réponse d'E.
Roudinesco au Nouvel Observateur…
La souffrance sans voix par
Annie Gruyer |
à suivre… |
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