la Guerre des sciences aura-t-elle lieu ?

Scientifiction

Isabelle Stengers

Le célèbre échange de correspondance entre Leibniz et Newton pose problème. Pourquoi Newton accepte-t-il qu'un théologien écrive en son nom ?

Quel secret cache-t-il ? Mais surtout pourquoi, lorsqu'il aura découvert ce secret, Leibniz décide-t-il de ne pas s'en servir ? Et finalement, en quoi ce passé dépassé peut-il bien nous importer ?

Une intrigue mise en scène, où l'histoire est respectée mais aussi fabulée.

Isabelle Stengers enseigne la philosophie à l'Universiré libre de Bruxelles.

Les empêcheurs de penser en rond. Le Seuil. Février 2001

 

Arnaud Spire a lu Isabelle Stengers Scientifiction

Isabelle Stengers, philosophe des sciences, est en quête de cohérence là où règne encore aujourd’hui l’affrontement. Alors que les savoirs modernes, toujours habités par le vieux conflit entre subjectivité du chercheur et objectivité de la connaissance, semblent voués à exister sur le mode de la guerre généralisée, l’auteur invente un nouveau genre littéraire : la " scientifiction ". Ni récréation ni vulgarisation. Problématisons, problématisons... il en restera toujours quelque chose. Reprenant le titre du premier tome de ses sept Cosmopolitiques, la Guerre des sciences, et prolongeant un scénario inabouti pour la télévision, elle met en scène, sous le titre la Guerre des sciences aura-t-elle lieu ? (1), le différend qui opposa, au XVIIe siècle, Newton, physicien et découvreur de la gravitation universelle, à Leibniz, philosophe et mathématicien à ses heures. Le physicien Newton, par l’intermédiaire de son porte-plume, le théologien Clarke, soutenait une conception " miraculante " de la réalité. Leibniz, ayant baptisé " dynamique " la science des mouvements accélérés, défendait des positions proches de ce que l’on appellera plus tard la conception newtonienne du monde.

Cette guerre sans dentelles commence en 1699 et s’achève en 1716 avec la mort de Leibniz. Les deux protagonistes ne se sont jamais rencontrés. L’un et l’autre peuvent être considérés, chacun à sa manière, comme les découvreurs de la mathématisation de l’infiniment grand ou de l’infiniment petit - deux ordres d’infini parmi d’autres. Derrière cette guerre ancienne, se lit en filigrane une métaphore de ce que MM. Sokal et Bricmont vivent comme des " Impostures intellectuelles " : le scientifique peut-il accepter que le philosophe utilise ses concepts hors du contexte de la recherche dans lequel ils ont été produits ? Newton est mort en 1727, onze ans après Leibniz. C’est en 1942 seulement qu’un de ses admirateurs, plus lucide que les autres, écrivit qu’il " ne fut pas le premier né de l’âge de la raison ", mais " le dernier des magiciens "... Isabelle Stengers semble manifester une inclination pour le pacifique Leibniz qui, d’un bout à l’autre de sa vie, s’est tenu à l’écart des haines qui privent d’une partie de leur efficacité les sciences contemporaines... À méditer.

Arnaud Spire

(1) Isabelle Stengers : la Guerre des sciences aura-t-elle lieu ?. Éditions Les Empêcheurs de penser en rond, 192 pages, 95 francs.
 
Jeudi 19 mai 2005

"Charmes et risques de l'incertitude"


par Isabelle Stengers

Conférence à l'Hôtel du département des Bouches-du-Rhône
52 avenue de Saint-Just 13004 Marseille
18h45 , ENTREE LIBRE

"Dans les sciences physiques, guidées par un idéal déterministe, la question d'une incertitude irréductible, c'est-à-dire renvoyant non à l'observateur mais à ce qui est décrit, traduit la possibilité d'un bouleversement conceptuel passionnant. Mais ce bouleversement présente aussi un risque : réactualiser le modèle quasi métaphysique qu'a constitué la physique depuis ses origines.

Pour échapper à ce risque prévisible, il s'agit de ne pas confondre l'incertitude et le sens du possible sans lequel nous ne pourrions ni penser, ni... faire de la physique."
Philosophe des sciences, Isabelle Stengers est une observatrice pointue de l'évolution de notre société. Dans son travail, elle s'intéresse aux savoirs minoritaires et aux questions politiques suscitées par les sciences, particulièrement à toutes les formes de disqualification péremptoire - des sciences entre elles, des savoirs canoniques vis-à-vis des savoirs "dominés", des experts vis-à-vis des citoyens… En développant une pensée engagée, divergente, dérangeante, exposée, la démarche et le travail d'Isabelle Stengers font acte de philosophie.
Docteur en philosophie des sciences, Isabelle Stengers enseigne à l'Université Libre de Bruxelles. Auteur d'une somme considérable d'ouvrages suscitant à la fois intérêt et perplexité, elle a notamment collaboré à la rédaction de plusieurs ouvrages importants avec Ilya Prigogine. Elle a reçu le grand prix de philosophie de l'Académie Française en 1993.

 

Isabelle Stengers
100 mots pour commencer à penser les sciences (avec Bernadette Bensaude-Vincent), Les Empêcheurs de penser en rond, 2003 ; Cosmopolitiques, La Découverte, 2003 (rééd.) ; L'hypnose entre magie et science, Les Empêcheurs de penser en rond, 2002 ; Penser avec Whitehead : une libre et sauvage création de concepts, Le Seuil, 2002 ; Sciences et pouvoirs : la démocratie face à la technoscience, La Découverte, 2002 (rééd.) ; La guerre des sciences aura t-elle lieu ? : scientifiction, Les Empêcheurs de penser en rond, 2001 ; Histoire de la chimie (avec Bernadette Bensaude-Vincent), La Découverte, 2001 (rééd.) ; Médecins et sorciers (avec Tobie Natan), Synthélabo, 1995 ; L'invention des sciences modernes, Flammarion, 1995 (rééd.) ; Entre le temps et l'éternité (avec Ilya Prigogine), Flammarion, 1994 (rééd.) ; Souviens-toi que je suis Médée, Les Empêcheurs de penser en rond, 1993 ; La volonté de faire science : à propos de la psychanalyse, Les Empêcheurs de penser en rond, 1992 ; Les concepts scientifiques : invention et pouvoir, 1991 (rééd.) ; Drogues, le défi hollandais, Les Empêcheurs de penser en rond, 1991 ; La nouvelle alliance : métamorphose de la science (avec Ilya Prigogine), Gallimard, 1986 (rééd.)
 
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