J'ose tenter
de prendre la balle au bond, j'ose tenter de faire entendre ma petite
voix et celles de ceux qui m'ont fait l'honneur de les représenter.
Je fais le constat que dans plusieurs Rebonds (1) s'expriment les défenseurs
des lapsus, du complexe né du mythe grec d'oedipe et du maintien
des symptômes. Leur «siège» de la parole (eux
si muets d'ordinaire de par leur profession de foi) a lieu suite à
la parution, le 1er septembre, du Livre noir de la psychanalyse. Cela
semble normal et sain dans un débat démocratique sauf
que seuls les mécontents s'expriment. Or, pour un ouvrage, de
prime abord austère, qui comporte 830 pages, coécrit par
des psychiatres, psychologues, historiens, philosophes, épistémologues,
patients et familles, l'enthousiasme est grand : 23 000 exemplaires
vendus en trois semaines. Cela s'appelle, je crois, un succès
littéraire. Il semblerait qu'un tel livre était attendu,
voire espéré. Petit rappel : selon les derniers chiffres
de l'Organisation mondiale de la santé, une personne sur cinq
souffrira dans sa vie d'un problème psychiatrique. Il n'est donc
pas question de guerre, de rationalisation, de coût, de chasse
aux sorcières des tenants du freudisme et du lacanisme mais de
souffrance qu'il faut appréhender et soigner. Parmi les 23 000
premiers lecteurs du Livre noir (il y en aura beaucoup d'autres, que
certains le veuillent ou non), il se trouve beaucoup de déçus
par une psychanalyse qui les a égarés pendant des années.
Aussi, il
serait pertinent, pour ne pas dire essentiel, de donner la parole à
ceux qui soignent et pourquoi pas Oh révolution ! Oh audace journalistique
! à ceux qui souffrent et savent fort bien évaluer au
quotidien les blessures de la douleur psychologique et les handicaps
sociaux qu'elles entraînent. Et ceux-là qui sont atteints
de phobie sociale, d'agoraphobie, de trouble obsessionnel et compulsif,
de trouble bipolaire ou de schizophrénie savent également
reconnaître la capacité de leur thérapeute à
leur venir en aide ou non. Les personnes qui souffrent comme celles
qui les soignent préfèrent le dialogue, base fondamentale
de l'alliance thérapeutique, aux divagations pseudo-intellectuelles
de ces autodialogues médiatiques.
(1) «En finir avec la psychanalyse ?»,
Daniel Sibony, Libération du 13 septembre et «Le marché
du mental», Jacques-Alain Miller, Libération du 28 septembre.
© Libération