Rebonds

La commémoration universelle décidée le 27 janvier apaise.

Shoah, une date pour cicatriser
(Libération — vendredi 27 janvier 2006)




Par Nathalie Zajde (1)


http://www.liberation.fr/page.php?Article=354448  


La Shoah, ce sont des millions de vivants juifs européens à qui l'on a ôté la vie mais à qui l'on a aussi refusé une mort juive.

La Shoah, c'est la destruction délibérée de l'ensemble du judaïsme d'Europe par le nazisme et l'indifférence terrifiante des nations. Pour une fois dans l'histoire des expulsions et des massacres des juifs, il a semblé que l'existence des juifs n'intéressait plus personne.

Au lendemain de la guerre, il existe certes encore des juifs européens, mais plus aucune vie juive en Europe.

Les survivants sont pris en charge par les nations ayant recouvré la paix, mais leur judaïsme n'intéresse pas : ils sont souffrants, malades et porteurs d'une mémoire interdite. On identifie même leur mal comme: «le syndrome du survivant». Des experts leur permettent d'obtenir des pensions ; ils seront ainsi pris en charge mais jamais guéris.

Ils resteront pensionnés à vie.

On n'a pas cessé de dire que nul ne pouvait guérir des souffrances de la Shoah ; on a même dit que ces souffrances étaient vouées à se transmettre de génération en génération.

Ce faisant, on a rajouté une malédiction à leurs souffrances. On a même pensé que guérir de la Shoah était «amoral», comme pour les maudire davantage.

Aujourd'hui, en décidant d'instituer le 27 janvier comme date universelle de commémoration de la Shoah, les Nations unies disent aux juifs que leur existence les intéresse. Elles prônent haut et fort que la destruction d'une culture ancestrale constitue un crime contre l'humanité. Elles disent ouvertement qu'elles sont intéressées par l'existence d'une vie juive, d'une société juive.

Aujourd'hui, il est permis de souhaiter aux juifs de guérir de la Shoah ; c'est même une obligation morale et professionnelle de les aider à redevenir vivants.


(1) Dernier ouvrage paru : Guérir de la Shoah, éditions Odile Jacob.



© Libération



Nathalie Zajde est maître de conférences
à Paris-VIII


 

   
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